Le Stoxx Europe 600 est encore parvenu à limiter les dégâts à une perte hebdomadaire de 1,2% et un recul de 2,8% depuis début avril. Le S&P500 américain, par contre, a chuté de 3% la semaine dernière et affiche déjà un niveau de 6% inférieur à son record de la fin mars. Le Nasdaq en plein essor a subi une correction encore un peu plus abrupte: -5,5% sur une base hebdomadaire et -7% par rapport à son récent record. La correction frappe surtout les valeurs technologiques et de croissance qui avaient jusque-là progressé le plus vigoureusement, tandis que les secteurs défensifs (qui n’avaient que peu profité de l’allégresse boursière) rattrapent un peu de leur retard ou du moins tiennent bon. Nous parlons ici de l’alimentation, des articles ménagers, des services aux collectivités et autres.
Le rallye spectaculaire dont les bourses nous ont régalés de la fin octobre à la fin mars (+28% pour le S&P500 et +20% pour le Stoxx Europe 600) s’inspirait surtout de la prévision que la Fed abaisserait énergiquement les taux en 2024. L’inflation continuerait à diminuer, tandis que l’économie resterait animée par une croissance modérée et que l’augmentation des bénéfices des entreprises s’accélérerait grâce à des tendances comme l’intelligence artificielle, la transition énergétique, etc., sur fond de marges bénéficiaires toujours élevées.
Si la croissance économique et l’augmentation des bénéfices ne nous ont jusqu’ici pas déçus, l’autre volet du scénario Boucles d’Or semble en revanche prendre l’eau. L’inflation de base affiche toujours aux Etats-Unis un niveau obstinément élevé de 3,8%, tandis que le refroidissement du marché de l’emploi se fait attendre et que l’activité industrielle est à présent en train de se stabiliser. Dans ces conditions, la Fed n’a vraiment encore aucune raison d’abaisser les taux. Au lieu des 6 abaissements des taux initialement escomptés par le marché pour 2024, dont le premier aurait dû être opéré en mars, nous pouvons désormais dans le meilleur des cas espérer 1 ou 2 abaissements des taux à l’automne, suivis de quelques autres en 2025. Les marchés obligataires tiennent désormais compte de ce scénario, comme en témoigne la remontée du taux américain à dix ans qui a grimpé de son plancher intermédiaire de 3,8% du début d’année à 4,6% en ce moment, et qui se rapproche donc à nouveau de son record de 5% du mois d’octobre.
Si les bourses semblaient jusqu’ici plutôt immunisées, force est de constater qu’elles se retrouvent à présent contraintes de céder du terrain. Et c’est surtout parmi les actions qui avaient le plus progressé précédemment et qui affichent entretemps des valorisations exigeantes que l’on observe les replis les plus marqués. En ce sens, il s’agit peut-être d’une correction saine après une hausse un peu trop vigoureuse…
Les bourses européennes s’en tirent à meilleur compte du fait qu’elles avaient grimpé moins énergiquement auparavant, mais aussi parce que le scénario tablant sur des abaissements des taux de la BCE à partir de juin n’a pas changé puisque l’inflation est sous contrôle (2,4%). Le différentiel d’intérêt croissant entre les Etats-Unis et l’Europe se traduit également par une appréciation du dollar, ce qui est une bonne chose pour la compétitivité européenne et offre des effets de change positifs aux multinationales du Vieux continent.
La nouvelle saison des résultats vient à peine de commencer, mais la réaction des cours aux premières publications était généralement négative. Pourtant, la plupart des entreprises (les banques américaines, Netflix, ASML…) ont jusqu’ici fait état de bénéfices supérieurs aux attentes pour le premier trimestre. A chaque fois, les investisseurs ont cependant trouvé un prétexte pour prendre leurs bénéfices : la fin de l’augmentation de la marge d’intérêts des banques américaines, la déception créée par les commandes d’ASML ou encore les perspectives prudentes avancées par Netflix et par d’autres. Le cours de LVMH est par contre parvenu à rebondir après la correction subie auparavant, dans la conviction que la croissance organique modérée de 3% marquait probablement le plancher et serait suivie d’une reprise progressive dans les trimestres à venir. Nous estimons que le premier trimestre sera un plancher cyclique également pour nombre d’entreprises cycliques (chimie, construction, industrie…), suivi d’un rétablissement progressif des volumes à partir du deuxième trimestre.
Pour la totalité de 2024, nous tablons sur une croissance de +9% des bénéfices aux Etats-Unis et de +4% en Europe (après une diminution au premier trimestre). Et si le marché anticipe comme il a coutume de le faire, ces perspectives seront plutôt de nature à soutenir les cours. Cette semaine, la saison des résultats atteindra sa vitesse de croisière avec les publications de quelques grosses pointures du complexe technologique comme Microsoft, Alphabet, Meta et Amazon.
Plusieurs indicateurs techniques se rapprochent de niveaux survendus qui font miroiter un modeste rebond à court terme. Cela pourrait par exemple être le cas cette semaine si le conflit entre Israël et l’Iran ne dégénère pas ou si les géants technologiques américains publient des résultats brillants et des perspectives rassurantes. Cela dit, une correction boursière est souvent un véritable processus, durant lequel certains acteurs du marché veulent encore prendre leurs bénéfices ou réduire les risques. Et si vous voulez notre avis, les véritables planchers sont encore à venir. D’ordinaire, une correction moyenne dure environ 6 à 8 semaines et affiche une amplitude totale d’au moins 10%.
Il s’agit de la troisième correction dictée par les taux d’intérêt à laquelle nous assistons depuis janvier 2023. S’il faut en croire les deux précédentes, nous avons besoin des éléments suivants pour permettre aux marchés de se stabiliser durablement: 1) l’inflation américaine doit se remettre à diminuer (ce qu’elle fera à notre avis probablement d’ici un mois ou deux); 2) les taux obligataires doivent se mettre à tenir compte d’un scénario raisonnablement négatif; et 3) les investisseurs doivent (temporairement) céder au pessimisme (capitulation).
Nous présumons qu’une fois que les taux d’intérêt se stabiliseront, les marchés reporteront leur attention sur l’augmentation des PMI, les révisions à la hausse des perspectives bénéficiaires et les abaissements des taux toujours à l’ordre du jour en dehors des Etats-Unis.
Les corrections sont un phénomène normal, qui permet aux marchés d’assimiler sainement une ascension un peu trop rapide et des valorisations devenues exigeantes dans certains segments, et qui ne tarde généralement pas à créer de nouvelles opportunités d’achat.
Chiffres clés du 15/4/2024 au 19/4/2024 |
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Index | Clôture | +/- | Depuis début 2024 |
Belgique: Bel-20 | 3827,75 | -0,58% | 3,24% |
Europe: Stoxx Europe 600 | 499,29 | -1,18% | 4,23% |
USA: S&P500 | 4967,23 | -3,05% | 4,14% |
Japon: Nikkei | 37068,35 | -6,21% | 10,77% |
Chine: Shangai Composite | 3065,26 | 1,52% | 3,04% |
Hongkong: Hang Seng | 16224,14 | -2,98% | -4,83% |
Euro/dollar | 1,07 | 0,37% | -3,41% |
Brent pétrole | 87,13 | -4,89% | 12,15% |
Or | 2394,05 | -0,78% | 15,91% |
Taux belge à 10 ans | 3,07 | ||
Taux allemand à 10 ans | 2,51 | ||
Taux américain à 10 ans | 4,62 |
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