Féminiser le monde des investissements

Dans le monde, 70% des personnes vivant dans la précarité sont des femmes. Un risque de pauvreté accru qui s’explique tant par les différences salariales et leur travail non rémunéré. Elles consacrent en effet près de trois heures par jour en plus que les hommes aux tâches domestiques.

L’écart de revenus entre les hommes et les femmes tend à se réduire, mais il demeure conséquent, y compris en Europe où il est toujours de 13%. Tout comme les inégalités patrimoniales qui commencent généralement dès la transmission du patrimoine au sein des familles.

Dans les prochaines décennies, les femmes devraient pourtant capter la majeure partie des héritages mondiaux en raison de facteurs comme leur espérance de vie plus longue ou une autonomie financière plus marquée.

Syndrome de l’imposteur

Pourtant, les femmes restent sous-représentées sur les marchés financiers. Selon une étude publiée en 2023 par l’AMF, l’autorité des marchés financiers en France, seuls 30% des investisseurs particuliers sont des femmes.

Une sous-représentation qui n’est pas sans conséquence. En 2021, moins de 20 milliards de dollars d’investissements à impact étaient directement liés à des projets d’inclusion des femmes sur un total de 40.000 milliards de dollars.

De nombreuses enquêtes démontrent que, partout dans le monde, les femmes souffrent encore largement du syndrome de l’imposteur en matière d’investissements. Elles considèrent les marchés financiers comme trop risqués, trop complexes et renoncent à utiliser ce vecteur pour faire fructifier leur patrimoine.

Dernier bastion d’inégalité

Alors que près d’un homme sur deux investit seul, moins d’une femme sur trois se lance sans l’aide d’un conseiller. Ce qui s’explique par plusieurs raisons. L’une des plus importantes est que de nombreuses femmes peinent à s’imaginer en tant qu’investisseuses. Historiquement, seul le mari était habilité à faire fructifier le patrimoine, y compris de son épouse. Ce qui a laissé des traces.

Même si les mœurs ont changé dans bien des domaines, les femmes restent ainsi largement absentes du monde des investissements. En 2021, neuf gestionnaires de fonds sur dix reconnaissaient avoir des interlocuteurs masculins au sein des institutions financières. Même constat en ce qui concerne les types de produits proposés ou la rhétorique utilisée. Tout est pensé par et pour un modèle de pensée masculin. Des biais inconscients qui continuent d’entretenir l’inégalité de genre par rapport aux investissements. 

Dépasser les clivages

Le rôle d’une banque est de financer l’économie de manière représentative. Depuis plusieurs années, de nombreuses initiatives émergent, principalement portées par des femmes et reposant sur un socle de valeurs communes. Les contenus et modes de communication sont ainsi alignés sur des standards moins genrés, voire plus féminins. Par exemple, de nombreuses enquêtes démontrent que les femmes apprécient être guidées par une application, moins formelle et plus flexible que le conseiller traditionnel. L’offre se précise également. Les femmes intègrent davantage les enjeux sociétaux dans leurs choix financiers et privilégient ainsi souvent les investissements responsables. Certes, ce biais perpétue en partie l’image traditionnelle associée aux femmes : celles qui prennent soin de la société. Mais les voir s’émanciper financièrement en s’appropriant de nouveaux codes et en faisant des choix alignés avec leurs valeurs envoie un puissant message d’espoir.