2024 a été une année boursière exceptionnelle, mais pas pour tous les segments et régions
Wall Street avait été contrainte de lâcher du lest durant les derniers jours de 2024, mais après à peine 2 jours en cette nouvelle année, les gains se chiffrent déjà à 1% pour le S&P 500 et même 1,6% pour le Nasdaq. Après une performance déjà impressionnante en 2023, les bourses américaines ont laissé entrevoir en 2024 un rallye spectaculaire qui s’est soldé par des gains de 23% pour le S&P500 et 27% pour le Nasdaq. Si ces prestations sont notamment à attribuer à la constance de la croissance économique (+2,7%) et bénéficiaire (+9%) des Etats-Unis en 2024, force est d’admettre aussi que les valorisations atteignent dans l’intervalle des niveaux historiquement élevés du fait que les hausses vigoureuses des cours ont ces deux dernières années excédé la croissance bénéficiaire moyenne. Parmi les facteurs à l’origine de cet optimisme, nous épinglerons l’espoir d’abaissements des taux de la part de la Fed (qui ne s’est réalisé qu’en partie) et l’engouement débridé des investisseurs pour l’intelligence artificielle et les Big Tech. Sans compter que depuis novembre, ces mêmes investisseurs se régalent à l’avance du nouveau mandat de Donald Trump et de sa politique qui devrait profiter aux bourses.
Le Stoxx Europe 600 a quant à lui dû se contenter d’une progression annuelle de seulement 6%. Sur le Vieux continent, la croissance économique et bénéficiaire a été tout juste positive en 2024. En termes relatifs, les bourses européennes sont moins exposées au complexe technologique et davantage aux secteurs industriels traditionnels (automobile, chimie…), qui étaient confrontés à une conjoncture difficile, à des défis structurels et à la faiblesse relative du marché chinois (important par exemple pour les biens de luxe et les véhicules produits en Europe). A cela s’ajoute le fait que le risque de guerre commerciale et les déboires politiques et budgétaires de la France et de l’Allemagne ont récemment affecté les perspectives de l’économie européenne.
2024 a néanmoins été une année faste pour le BEL20, mais la hausse de 15% signée par l’indice était dans une large mesure due à la performance exceptionnelle des 2 groupes biopharmaceutiques UCB (+140%) et Argenx (+75%). Nombre d’actions belges sont par contre retombées à des planchers historiques : AB InBev, Melexis, Barco, Elia, les actions immobilières… sans même parler d’Umicore et Proximus. En marge de quelques facteurs propres aux entreprises elles-mêmes, cette faiblesse est à attribuer également à l’intérêt des investisseurs pour les Big Tech, les nouveaux scénarios de croissance et l’investissement dans des indices internationaux, qui fait que davantage de capitaux affluent vers les grosses pointures de ces indices.
En termes de secteurs, les investisseurs se sont surtout tournés en 2024 vers les branches en plein essor comme les technologies, la communication et les biens de consommation cycliques, sans oublier le secteur financier qui s’est montré étonnamment performant. Les secteurs les plus mal en point étaient ceux des matériaux, de l’énergie, des services aux collectivités et de l’immobilier, mais l’alimentation et l’industrie pharmaceutique sont restées à la traîne également.
En Europe, les taux obligataires ont chuté en 2024 sous l’effet de la diminution de l’inflation, de la conjoncture difficile et du cycle d’abaissements des taux amorcé par la BCE. Aux Etats-Unis, ils ont au contraire fini l’année non loin de leurs records après quelques replis intermédiaires. Il faut y voir un effet de la vigueur persistante de la croissance économique et du marché de l’emploi, de l’inflation toujours trop élevée et de l’impact inflationniste attendu de la politique de Donald Trump (augmentation des taxes douanières et déficits budgétaires colossaux). De ce fait, la Fed a jusqu’ici moins abaissé les taux qu’on ne l’avait espéré et dispose de moins de marge pour poursuivre ces abaissements en 2025. 2024 a aussi été marquée par une appréciation significative du dollar (+7%), une légère baisse du prix du pétrole (-3%) et une hausse spectaculaire du prix de l’or (+28%).
Et que nous réserve 2025 ?
L’évolution de l’économie en 2025 est plutôt incertaine puisqu’elle dépendra dans une large mesure de la politique que Donald Trump mènera dans la réalité (par exemple sur le plan du commerce international et des réductions d’impôts) ainsi que de l’amplitude et de l’efficacité des incitants chinois. Bien que l’économie américaine soit en proie à un léger refroidissement, elle devrait tout de même encore connaître en 2025 une croissance substantielle qui avoisinera les 2%. Quant à l’économie européenne, elle parviendra en dépit de sa faiblesse actuelle à profiter de la poursuite des abaissements des taux et de la vigueur du dollar (meilleure compétitivité et effets de translation positifs).
En ce qui concerne les bénéfices des entreprises, les prévisions moyennes des analystes sont en ce moment assez optimistes : la croissance bénéficiaire devrait reprendre en Europe jusqu’à avoisiner les 7% et s’accélérer à 15% aux Etats-Unis, notamment grâce à l’effet des réductions d’impôts que Donald Trump a promises aux entreprises. Dans ce contexte, la plupart des experts tablent pour 2025 sur une poursuite de la tendance haussière des bourses, même si elle sera moins spectaculaire qu’en 2024.
Quels risques potentiels en 2025 ?
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas s’attendre à une ascension linéaire. Compte tenu des valorisations entretemps exigeantes des actions américaines, du risque que l’inflation et les taux d’intérêt ne prennent pas la direction espérée aux Etats-Unis, et de l’imprévisibilité de la politique à venir de Donald Trump et de l’évolution du contexte géopolitique, nous allons probablement connaître une année volatile. Divers facteurs sont ainsi susceptibles d’engendrer des corrections intermédiaires :
- des rebondissements géopolitiques inattendus revêtant la forme de nouveaux conflits ou d’une escalade des conflits existants;
- une escalade de la guerre commerciale qui ralentira la croissance mondiale et ravivera l’inflation américaine;
- si la Fed renonce plus tôt que prévu à ses abaissements des taux;
- si les taux obligataires progressent à l’excès, soit à cause d’une remontée de l’inflation, soit parce que le marché s’inquiète de l’accroissement du déficit budgétaire et de l’endettement américains;
- si Donald Trump connaît la même mésaventure que Liz Truss et ne parvient pas à procéder aux réductions d’impôts promises parce que les marchés obligataires ne supportent plus de voir le déficit budgétaire se creuser;
- si le marché prend subitement conscience des valorisations excessives des actions technologiques et qu’une correction intervient (comme en 2000).
Voilà pour les facteurs de risque susceptibles de faire dévier l’évolution réelle des marchés de notre scénario de base, qui table sur une poursuite de la hausse progressive des bourses. Nous resterons donc vigilants et suivrons les marchés de très près.
A quels premiers indicateurs aurons-nous droit cette semaine et ce mois-ci ?
Sur le front macroéconomique, l’attention ira cette semaine surtout à la publication du taux d’inflation européen (mardi) et du rapport américain sur le marché de l’emploi (vendredi), deux éléments qui pourraient être déterminants pour les actions à venir respectivement de la BCE et de la Fed. Pour le coup d’envoi de la nouvelle saison des résultats, il nous faudra attendre à la mi-janvier la publication des résultats annuels des banques américaines. Et bien sûr, nous guetterons également les premiers actes politiques de Donald Trump après son investiture le 20 janvier…
Source : Refinitiv Datastream