Une leçon de modestie

Succès fracassant

C’est avec un capital de 10 millions de yuans (soit environ 1,3 million EUR) que le Chinois Liang Wenfeng a créé l’entreprise DeepSeek en 2023. En novembre dernier, celle-ci dévoilait sa première version d’un modèle d’IA simulant la pensée humaine. Sur cette base, elle a développé un chatbot mobile qui a remporté un succès fracassant en janvier. S’il faut en croire Apple, il s’agirait dans de nombreux pays de l’application la plus téléchargée du moment.

De l’avis des connaisseurs, le modèle d’IA de DeepSeek est au moins équivalent aux derniers modèles d’OpenAI (l’entreprise qui a lancé ChatGPT) et Meta. Á cette différence près que Deepseek a besoin de beaucoup moins de puissance de calcul pour le développement et l’entraînement de son modèle, ce qui permet à celui-ci de tourner sur des puces beaucoup plus simples que ses grands frères américains et en fait donc une alternative nettement moins chère.

Menace de guerre des prix

La nouvelle du succès de la nouvelle application a fait pâlir nombre d’adeptes des géants technologiques américains le week-end dernier, d’autant que les cours affichés actuellement par nombre des grosses pointures du Nasdaq ne souffrent pas vraiment la concurrence. Le coût nettement inférieur du modèle d’IA chinois fait donc surgir la menace d’une guerre des prix. Une bonne chose pour les clients, mais pas pour les entreprises qui pensaient pouvoir justifier leur cours exorbitant grâce au boom de l’intelligence artificielle.

Quid des projets d’investissements colossaux ?

Ce lundi a été une journée noire également pour les fournisseurs et sous-traitants qui misent sur la révolution de l’intelligence artificielle. Nous pensons notamment à Nvidia, dont les semi-conducteurs de plus en plus complexes étaient jusqu’ici considérés comme indispensables pour affiner les modèles d’IA. Les Chinois, privés de l’accès à ces puces du fait du boycott américain, prouvent à présent qu’il est possible d’arriver à un résultat équivalent avec des composants beaucoup plus simples.

Assurément, il y a là de quoi s’interroger sur les projets d’investissements colossaux que les géants technologiques annoncent ces jours-ci. Pas plus tard que vendredi, Meta avait annoncé pour cette année un plan d’investissements de 65 milliards USD. Selon les critiques, les géants technologiques se servent de ces ambitieux plans de dépenses en capital pour gonfler mutuellement leurs prévisions de chiffre d’affaires de manière artificielle. Et voilà qu’il apparaît à présent qu’ils pourraient se contenter de beaucoup moins de moyens pour arriver au même résultat…

Inventivité chinoise

La nouvelle remet également en cause l’efficacité de la politique de boycott américaine à l’encontre de la Chine. Les États-Unis pensaient protéger leur suprématie technologique en privant la Chine de l’accès aux dernières trouvailles dans le domaine des semi-conducteurs, mais il semble qu’ils n’aient fait qu’exacerber l’inventivité chinoise.

Une semaine captivante en perspective

L’université de Berkeley a dans l’intervalle ajouté l’application chinoise à sa liste des chatbots les plus performants, mais il y a tout de même un hic: si vous vouliez connaître les intentions de la Chine à l’égard de Taïwan, ne comptez pas sur « l’appli » pour vous répondre. Car en Chine, l’autocensure a encore cours. Les entreprises occidentales, elles, sont généralement moins confrontées à ce phénomène. Quoi qu’il en soit, les investisseurs vont à présent s’intéresser encore plus aux résultats et aux perspectives que Meta, Microsoft, Tesla et Apple publieront mercredi et jeudi…