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Faits, fiction et imagination
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7 MARS

Faits, fiction et imagination

7-3-2025
Philippe Gijsels – Chief Strategy Officer
Philippe Gijsels Chief Strategy Officer
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Rédigé le 7-3-2025 09:25
Publié le 7-3-2025 09:25
Pourquoi il est important, pour l’investisseur, de garder la tête froide dans un monde qui semble avoir perdu la sienne…
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Sommaire

  • Les investisseurs doivent garder leur calme malgré le chaos ambiant
  • Le "quatrième tournant", une période d’instabilité géopolitique
  • Les taxes douanières et la mondialisation rendent l’économie volatile
  • L’Europe planche sur une politique de sécurité commune

Le "quatrième tournant" revisité

Gros titres crieurs, dépêches contradictoires et "fake news"… à croire que le monde est devenu fou, presque impossible à comprendre. Mais surtout, il est devenu très difficile à gérer pour l’investisseur.

Avec la scène qui s’est déroulée pour ainsi dire sous nos yeux dans le Bureau ovale il y a quelques jours, nous avons sans doute atteint un nouveau sommet. Pourtant, une grande part de l’actualité cadre parfaitement dans le concept du "Fourth Turning" – ou "quatrième tournant" – que nous décrivons dans notre livre "The New World Economy in 5 Trends".

Pour rappel, un "Fourth Turning" est une période de grande instabilité géopolitique. C’est aussi une période dans laquelle les partis extrêmes, de droite comme de gauche, gagnent en popularité et en sièges. Le centre se rétrécit et s’affaiblit, ne parvenant pas, faute de surface portante politique, à prendre les mesures et à réaliser les réformes que chacun sait pourtant indispensables.

Une autre caractéristique d’un "quatrième tournant" est que les présidents, gouvernements et partis en place, quelle que soit leur couleur ou leur tendance, perdent le soutien de la population de plus en plus insatisfaite. C’est ce que nous avons pu voir récemment entre autres au Canada, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Bien sûr, toute règle a ses exceptions: en Inde, le Premier ministre Narendra Modi a perdu de nombreux sièges, mais est tout de même parvenu à se maintenir au pouvoir.

Vu sous cet angle, il n’est pas vraiment surprenant que Donald Trump soit parvenu à conquérir non seulement la présidence, mais aussi la Chambre des représentants. Si la logique est respectée, il se pourrait par contre qu’il laisse des plumes aux élections de mi-mandat dans 2 ans et qu’il perde éventuellement sa majorité au parlement, ce qui limiterait tout de même dans une certaine mesure sa liberté d’action. Et il est évidemment encore trop tôt pour le dire, mais dans cette optique, les prochaines élections présidentielles risquent d’être un tournant difficile à négocier pour les Républicains. Il suffit de passer en revue les derniers présidents : Barack Obama a encore effectué deux mandats, mais depuis lors, nous avons eu Donald Trump, puis Joe Biden et à nouveau Donald Trump. Le schéma saute aux yeux : Démocrate, Républicain, Démocrate et Républicain…

En marge d’un potentiel affaiblissement de sa position au parlement, les trois belles-mères de Donald Trump pourraient également tempérer ses ardeurs : l’inflation, la croissance et le marché des actions. Pour le moment, ces trois belles-mères du président sont toutes contre lui. L’inflation augmente (comme en témoigne le prix des œufs), la croissance déçoit et la bourse américaine est à la traîne par rapport aux autres bourses du monde, ce qui n’était plus arrivé depuis de longues années.

Dans son discours sur l’état de la nation, Donald Trump a rejeté la faute sur son prédécesseur. Cependant, on peut se demander combien de temps la population américaine acceptera encore cet argument, sachant que la défaite des Démocrates aux dernières élections était au moins pour une part due à l’inflation excessive…

Volatilité économique

En marge de cette volatilité géopolitique, il y a aussi la volatilité économique, qui continuera à attiser celle des marchés financiers. Et cette volatilité économique, elle est évidemment à attribuer aux taxes douanières qui s’abattent sur le monde à un rythme effréné. D’ailleurs, à ce propos, ce n’est peut-être pas tant le niveau de ces taxes qui importe, mais plutôt l’incertitude qu’elles font planer. Une incertitude qui commence à nuire à l’économie mondiale et – même si cela peut paraître étonnant – à l’économie américaine, et donc à la popularité de Donald Trump. Si l’on en croit l’ouvrage de David Ricardo, ou d’ailleurs n’importe quel manuel d’économie, le commerce sans barrières fait croître la prospérité, alors que les taxes douanières réduisent le gâteau à l’échelle mondiale. Á partir de là, peu importe comment les parts du gâteau sont réparties, il y en a toujours moins pour chacun…

Néanmoins, les taxes douanières ne sont pas les seules responsables de la volatilité économique, même si elles y jouent un rôle de premier plan. La démondialisation, le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement et toute une série d’autres facteurs font que l’on peut de moins en moins parler d’une croissance harmonisée de l’économie mondiale.

Il n’y a pas si longtemps, nous étions face à un cycle économique mondial: tous les grands blocs évoluaient de concert en termes d’expansion et de contraction, et les banques centrales faisaient plus ou moins la même chose. Aujourd’hui, c’est de moins en moins le cas. Il est très probable que la croissance de l’économie américaine et celle de l’économie européenne se mettent à suivre chacune un rythme différent, et que la BCE et la Fed mènent des politiques différentes, en termes d’orientation mais surtout en termes d’amplitude.

La Chine est quant à elle manifestement confrontée à une récession de bilan. Le marché immobilier en a pris un sérieux coup et les citoyens tentent de compenser cette destruction de l’épargne en épargnant encore plus, ce qui fait du tort à l’économie. L’expérience du Japon nous apprend que dans une situation de récession de bilan, abaisser les taux ne résout pas le problème et qu’il faudra des incitants fiscaux. Le déploiement de ces mesures déterminera dans une large mesure la croissance pour cette année et les années qui viennent. Mais pour en revenir au Japon, il faut bien dire que là, la situation est tout à fait différente : pour la première fois depuis des années, le pays est confronté à de l’inflation et les taux d’intérêt sont en train de remonter.

On peut voir ces blocs économiques comme des plaques tectoniques qui ont cessé de glisser tranquillement les unes à côté des autres. Á présent, elles se déplacent dans toutes les directions à des vitesses différentes, ce qui finit inévitablement par provoquer des collisions. Et ces collisions, elles s’expriment sous forme de volatilité sur les marchés, et avant tout sur le marché des taux d’intérêt et le marché des changes.

Une renaissance européenne ?

Une chose est sûre après l’évolution des derniers jours : l’Europe peut de moins en moins compter sur les États-Unis pour garantir sa sécurité. Cette prise de conscience incite les pays à se rapprocher, ce qui dans le contexte du "quatrième tournant" n’est pas une sinécure.

Malgré tout, quelques avancées prometteuses se dessinent dans cette direction. L’Europe parle d’une politique de sécurité commune, et fait même plus qu’en parler. Avant même que le nouveau gouvernement allemand soit réellement formé, il est déjà question d’un fonds d’investissement de de 500 milliards EUR pour la défense et l’infrastructure. Comme il semble que les Verts feront sans doute partie de la coalition, il est probable que ce fonds se voie aussi adjoindre un volet consacré à la transition climatique, ce qui devrait à terme profiter également à la sécurité énergétique de l’Allemagne et de l’Europe. Et soyons clairs : en dépit des nombreux problèmes économiques auxquels elle est confrontée actuellement, l’Allemagne est et reste l’une des principales composantes de la croissance européenne. Autrement dit, une croissance vigoureuse en Allemagne serait une bonne chose pour tout le continent.

En dépit de tous les signaux encourageants, la bataille n’est évidemment pas gagnée. Dégager des fonds est une chose, mais il y a aussi de nombreux autres défis. Et à cet égard, un marché unique des capitaux serait assurément un très grand pas dans la bonne direction.

Reste l’aspect de la réglementation. Á l’heure actuelle, l’Europe n’est pas en mesure de créer des entreprises affichant une capitalisation de marché de 100 milliards de dollars, et encore moins de plusieurs milliers de milliards. Pour cela, il faudrait un marché plus intégré. Dans cette optique, les barrières internes à l’Europe, même si elles ne sont pas monétaires, sont peut-être plus importantes et plus dangereuses que les taxes douanières que Donald Trump pourrait encore nous infliger. Nous avons tous les éléments en main : du personnel qualifié, des universités de premier plan et surtout beaucoup d’épargne. Si nous parvenons à empiler ces blocs correctement, une renaissance européenne est parfaitement possible et d’ici 5 ou 10 ans, nous repenserons peut-être à ce moment comme au début de la voie de l’amélioration. Vu sous cet angle, le "Whatever it takes" du probable nouveau chancelier allemand Friedrich Merz s’apparente peut-être au "Whatever it takes" de Mario Draghi à l’époque où il s’efforçait de sortir l’Europe de la crise financière.

Une image atypique de l’économie

L’un dans l’autre, nous sommes aujourd’hui face à une image atypique de l’économie et, presque logiquement, à une image atypique des marchés financiers. Les mesures que l’Allemagne s’apprête à prendre devraient relancer la croissance de l’économie européenne, tandis que selon les "nowcasts" de la Fed d’Atlanta (que l’on peut voir comme une tentative de prévoir la croissance sur la base des données disponibles avant la publication du PIB), l’économie américaine pourrait afficher une contraction au premier trimestre. Cela signifie que la BCE va se mettre à moins abaisser les taux alors que la Fed pourrait au contraire les abaisser plus. Le jour où les incitants allemands ont été annoncés, le taux allemand à dix ans a augmenté en quelques heures de 30 points de base. Du jamais vu ! Conséquence logique, l’euro s’est lui aussi mis à grimper par rapport au dollar américain.

D’ailleurs, le dollar n’est pas le seul à y laisser des plumes ces derniers jours. Les bourses américaines, les "Magnificent Seven" en tête, restent cette année à la traîne par rapport aux marchés des actions européens et à la technologie chinoise.

Assez ironiquement, la politique "America First" et les mesures prises à l’encontre des autres blocs nuisent jusqu’ici surtout à l’économie américaine, au dollar américain et aux marchés américains. Voilà qui ne fera sans doute pas plaisir aux trois belles-mères de Donald Trump…

Au-delà de la volatilité

Cependant, il est encore trop tôt pour en conclure que nous devons tourner le dos aux actions américaines et en particulier à la technologie américaine. Nous sommes probablement en présence d’une correction qui pourrait durer encore un certain temps, et qui n’est finalement pas vraiment étonnante vu leur surperformance des dernières années. De plus, le chaos provoqué par DeepSeek a tout de même ébranlé le complexe technologique américain que l’on croyait jusqu’alors intouchable, et par là même l’exceptionnalisme américain. Nous voulons aussi rester ouverts à la piste de la renaissance européenne, bien qu’il reste sur ce plan un long chemin à parcourir.

Mais le plus important, c’est d’arriver à voir au-delà de la volatilité. Et cela ne veut pas dire attendre sans rien faire. Dans nos prévisions pour la nouvelle année, nous vous expliquions en décembre que si le concept d’investissement "hamac" avait acquis tant de notoriété en 2024, le moment était néanmoins venu de miser sur la gestion active. Et nous sommes toujours de cet avis, peut-être plus que jamais. Mais d’un autre côté, il est impossible de réagir à chaque commentaire ou nouvelle mesure de Donald Trump – et ce serait même une très mauvaise idée puisqu’il se peut qu’il change d’avis ou se contredise quelques heures plus tard…

Plus que jamais, nous devons garder notre vue d’ensemble. Nous négocions en ce moment un "quatrième tournant" chargé d’une grande volatilité géopolitique et économique, qui se propagera inévitablement aux marchés financiers.

En ce moment, l’économie mondiale traverse une mauvaise passe. Cependant, l’inflation et les taux d’intérêt sont d’une manière générale toujours en baisse, tandis que les résultats des entreprises restent très encourageants. Á cela s’ajoute le fait que nous ne savons toujours pas si toutes les guerres commerciales de Donald Trump sont finalement une technique de négociation ou une tendance plus durable. Autrement dit, tout ce qui se dit maintenant pourrait changer tout aussi rapidement, surtout si l’économie américaine et les bourses continuent à évoluer dans la mauvaise direction.

Enfin, et ce n’est certainement pas dénué d’importance, les marchés européens, américains et mondiaux s’inscrivent toujours dans une tendance haussière. Et, peut-être le plus important : il est clair que nous vivons dans un monde qui se caractérise par une inflation structurellement plus élevée, de sorte qu’il n’est pas intéressant du tout de détenir trop de liquidités.

Dans les semaines et les mois à venir – comme toujours, d’ailleurs –, il s’agira surtout de garder la tête froide, de voir au-delà de la volatilité et de prendre les décisions adéquates en fonction des opportunités ou menaces qui se présentent. Et pour cela, il sera important de continuer à bien distinguer les faits de la fiction et de l’imagination. Et dans ce monde qui semble avoir perdu la tête, ce n’est pas toujours évident…

Chiffres clés du 6/3/2025

Index Clôture +/- Depuis début 2025
Belgique: Bel-20 4463,37 0,07% 4,66%
Europe: Stoxx Europe 600 555,90 -0,03% 9,51%
USA: S&P 500 5738,52 -1,78% -2,43%
Japon: Nikkei 37704,93 0,77% -5,49%
Chine: Shangai Composite 3381,10 1,17% 0,88%
Hongkong: Hang Seng 24369,71 3,29% 21,48%
Euro/dollar 1,08 0,50% 4,47%
Brent pétrole 69,80 0,20% -6,61%
Or 2914,26 -0,31% 11,00%
Taux belge à 10 ans 3,44
Taux allemand à 10 ans 2,88
Taux américain à 10 ans 4,29

Source: Refinitiv Datastream
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