Sommaire
- Différences de tarifs entre l’Union européenne et les Etats-Unis
- Quel impact pour l’UE ?
- Quid de la marge de négociation ?
- La Chine anticipe en augmentant ses exportations
- La menace à l’encontre du Mexique et du Canada surprend
- Quid de l’effet sur l’inflation américaine ?
Durant sa campagne électorale, il parlait notamment d’une taxe douanière générale de 10 à 20% sur les biens importés de tous les pays, et d’un tarif spécial de 25% sur les importations en provenance du Mexique et du Canada. Quant aux importations en provenance de Chine, il envisagerait même de les taxer désormais à 60%. Et si d’autres pays venaient à imposer plus lourdement les biens américains, il égalerait au moins ces mesures.
- Une augmentation des taxes douanières poursuit trois objectifs:
- Générer des revenus pour alimenter le budget
- Protectionnisme : attirer à nouveau davantage de production (et donc d’emplois) aux Etats-Unis
- Contraindre les pays à négocier, comme dans le cas du Mexique et du Canada
Différences de tarifs entre l’Union européenne et les Etats-Unis
L’Europe exporte davantage de biens vers les Etats-Unis que ces derniers n’en exportent à destination de l’UE. Qu’il s’agisse de voitures, de biens de luxe, de produits agricoles, de denrées alimentaires ou autres, les exportations européennes à destination des Etats-Unis ont considérablement augmenté au cours des 15 dernières années et représentent aujourd’hui plus de 20% des exportations européennes totales et environ 5% du PIB de l’Union européenne.
Les tarifs qui sont appliqués actuellement sont assez similaires : en moyenne 3,95% pour les importations européennes en provenance des Etats-Unis, et 3,5% pour les importations américaines en provenance de l’UE. En revanche, on relève des différences frappantes dans certains secteurs.
Donald Trump marque donc un point lorsqu’il évoque le cas du secteur automobile, de l’agriculture et de l’alimentation. Sur les voitures, les taxes douanières européennes s’élèvent par exemple à 10%, alors que les véhicules européens ne sont taxés qu’à 2,5% aux Etats-Unis. Et pour l’alimentation et les boissons, les tarifs moyens diffèrent d’environ 3,5%.
Dans ce contexte, les Etats-Unis pourraient donc faire peser une lourde menace sur l’Union européenne, et contraindre cette dernière à d’âpres négociations.
Quel impact pour l’UE ?
L’introduction d’une taxe douanière générale de 10 à 20% représenterait certes une augmentation substantielle par rapport aux niveaux actuels, mais cela va-t-il vraiment rendre les produits européens plus chers aux Etats-Unis, et donc freiner la demande ? Il faut savoir que les augmentations projetées des taxes douanières sont dans l’intervalle déjà pour une grande part compensées par le recul marqué accusé par l’euro par rapport au dollar depuis la victoire électorale de Donald Trump. Et donc, les prix des biens européens exprimés en dollars n’augmenteront finalement pas énormément. De plus, l’effet dépendra aussi de l’élasticité de la demande américaine, ainsi que de la capacité des entreprises européennes qui exportent actuellement leurs biens aux Etats-Unis à y transférer leur production, ou encore à remplacer cette destination par d’autres marchés internationaux.
Quid de la marge de négociation ?
Bien que les Etats-Unis soient le principal partenaire commercial et d’investissement de l’UE, il n’existe pas d’accord de libre-échange spécifique entre les deux blocs. La négociation est donc possible, et Donald Trump a d’ores et déjà fait des avances à l’UE en lui proposant de combler son déficit commercial en achetant à grande échelle du pétrole et du gaz américains. Les Etats-Unis sont le plus gros producteur de pétrole au monde et sont aussi devenus le principal fournisseur de gaz naturel liquéfié (GNL, ou LNG en anglais) de l’UE depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie début 2022. Evidemment, cela pourrait avoir comme effet indésirable de faire grimper les prix du gaz américain – actuellement 4 fois moins chers qu’en Europe – à mesure qu’une plus grande part de la production américaine sera exportée (impact sur le rapport entre l’offre et la demande aux Etats-Unis).
La Chine anticipe en augmentant ses exportations
Durant son premier mandat, Donald Trump avait déjà considérablement augmenté les taxes douanières sur les importations en provenance de Chine, les portant à 25% sur la plupart des biens et à 15% sur le reste. Systématiquement, la Chine avait riposté en augmentant elle-même ses droits d’entrée sur les biens américains, une escalade qui s’est muée en véritable guerre commerciale entre les deux blocs. Durant sa campagne électorale, Donald Trump a menacé de porter les taxes douanières sur les biens chinois à 60%. En a-t-il vraiment l’intention, ou est-ce plutôt une manière de contraindre la Chine à négocier ? A quelles mesures de rétorsion faut-il s’attendre de la part de la Chine ? Personne n’est encore vraiment en mesure de le dire. Par anticipation, la Chine a ces derniers mois fortement augmenté ses exportations à destination des Etats-Unis, histoire d’éviter de devoir payer ces tarifs plus élevés.
La menace à l’encontre du Mexique et du Canada surprend
Cela dit, c’est en menaçant d’augmenter de 2,5% à 25% les taxes sur les biens importés du Mexique et du Canada que Trump a créé la plus grosse surprise durant sa campagne. Ces deux pays sont pour ainsi dire les plus gros importateurs des Etats-Unis, et il faut reconnaître qu’une part importante de la production des Etats-Unis a en effet été au cours des dernières décennies délocalisée au Mexique en raison des salaires inférieurs. Quoi qu’il en soit, des taxes douanières aussi élevées risquent d’avoir un impact énorme sur l’inflation américaine, soit directement du fait des tarifs supérieurs, soit indirectement sous l’effet du coût plus élevé de la main-d’œuvre si la production est effectivement à nouveau transférée aux Etats-Unis. Vu l’étroitesse du marché de l'emploi, on peut même se demander s’il est judicieux d’attirer davantage de production aux Etats-Unis. La main-d’œuvre se fait rare, de sorte que cela ne ferait qu’augmenter la pression à la hausse sur les salaires. Mais peut-être ne s’agit-il là aussi que d’une tactique de négociation destinée à forcer la main au Mexique dans les dossiers de l'immigration clandestine et du trafic de drogue…
Quid de l’effet sur l’inflation américaine ?
En 2023, les importations de biens et de services représentaient 14% du PIB américain. Si les taxes douanières augmentent en moyenne de 10%, elles feraient donc grimper l’inflation de 1,4%. Cependant, cette augmentation des droits d’importation serait déjà compensée par l’appréciation substantielle du dollar par rapport aux devises de la plupart des pays et régions visés, comme la Chine, l’Union européenne et le Mexique.
Par ailleurs, les conseillers économiques de Donald Trump sont eux aussi conscients du risque d’inflation et des répercussions potentielles de la hausse des taux obligataires sur l’économie. L’équipe planche donc d’arrache-pied sur une version édulcorée (par exemple pas sur tous les biens) ou du moins plus progressive (échelonnée sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années) de l’augmentation des taxes douanières. Et connaissant le penchant de Donald Trump à annoncer des mesures percutantes immédiatement après son investiture, nous en saurons peut-être déjà un peu plus la semaine prochaine…
Chiffres clés du 14/1/2025
|
Index |
Clôture |
+/- |
Depuis début 2025 |
Belgique: Bel-20 |
4200,65 |
0,04% |
-1,50% |
Europe: Stoxx Europe 600 |
508,28 |
-0,08% |
0,13% |
USA: S&P 500 |
5842,91 |
0,11% |
-0,66% |
Japon: Nikkei |
38474,30 |
-1,83% |
-3,56% |
Chine: Shangai Composite |
3240,94 |
2,54% |
-3,31% |
Hongkong: Hang Seng |
19219,78 |
1,83% |
-4,19% |
Euro/dollar |
1,03 |
0,96% |
-0,58% |
Brent pétrole |
80,38 |
-0,99% |
7,55% |
Or |
2672,80 |
0,25% |
1,81% |
Taux belge à 10 ans |
3,24 |
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Taux allemand à 10 ans |
2,62 |
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Taux américain à 10 ans |
4,79 |
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Source : Refinitiv Datastream