La Fed prise entre trois feux

Inflation et emploi

Récapitulons : toutes les six semaines, la Fed décide du niveau des taux américains à court terme. Ce faisant, elle oriente la politique économique en poursuivant deux objectifs : une inflation saine (2%) et un emploi suffisant. Pour l’instant, l’inflation est encore un peu trop élevée (ce qui justifierait de relever les taux) et le doute plane sur la création d’emploi (ce qui signifie que l’on pourrait s’accommoder de taux d’intérêt légèrement inférieurs). Il s’agit donc d’un exercice d’équilibre périlleux, ce qui explique que Jerome Powell diffère sa décision depuis plusieurs mois. Selon les prévisions, un premier abaissement des taux sera enfin opéré à la fin du mois.

Les taux d’intérêt et la politique

Jusqu’ici, il s’agissait uniquement d’une décision économique, et c’est d’ailleurs le but : les membres de la Fed ont beau avoir été nommés par la sphère politique, leur indépendance, jusqu’ici, était incontestable et incontestée. Mais, évidemment, Donald Trump ne serait pas tout à fait Donald Trump s’il se pliait aussi facilement à une règle établie.

Á ses yeux, il y a aussi un troisième objectif. Du fait de la dette publique colossale et des charges d’intérêts qu’elle implique, des taux d’intérêt bas sont, pour lui, la meilleure option. Et donc cela fait des mois qu’il exerce des pressions sur Jerome Powell pour que ce dernier abaisse les taux. Jusqu’ici, surtout en paroles, par le truchement de son réseau Truth Social. Mais, depuis peu aussi, par ses actes.

Nominations et licenciements

En principe, chacun des sept membres attitrés de la Fed est nommé pour 14 ans par le Sénat et sur proposition du président. Outre ces membres attitrés, cinq des présidents des banques régionales sont systématiquement choisis pour prendre part aux votes pendant un an. En dépit de la fameuse indépendance de la Fed, cette nomination confère une couleur politique aux membres ayant le droit de vote. Pour l’instant, les membres nommés par les Démocrates sont majoritaires mais cela pourrait changer l’année prochaine.

Donald Trump, lui, n’a pas envie d’attendre jusque-là

Récemment, l’économiste Adriana Kugler a démissionné de son poste de gouverneur pour pouvoir consacrer plus de temps à son métier de professeur d’université. Son remplaçant, Stephen Miran, attend la confirmation du Sénat pour entrer en fonction.

Cependant, Donald Trump veut aller plus loin. Depuis la fin du mois d’août, il tente également de pousser Lisa Cook vers la sortie, l’accusant d’avoir fait, dans le passé, une fausse déclaration dans le cadre d’une demande de crédit hypothécaire. Lisa Cook a décidé d’introduire un recours contre cette décision, estimant que ce n’est pas au président de la limoger, mais que seul un juge est en mesure de déterminer si elle a, à l’époque, commis un acte répréhensible.

Antécédents et indépendance

Loin de nous l’idée de prendre position mais force est d’admettre qu’une constante se dégage. Début août, déjà, Erika McEntarfer, la responsable des statistiques du département du Travail, avait été contrainte de démissionner après avoir publié des chiffres sur l’emploi qui avaient déplu à Donald Trump…

Dans ces conditions, il faut avoir les nerfs solides pour oser prendre des décisions difficiles. D’autant que celles-ci sont immanquablement décortiquées et interprétées par la suite. Imaginons que Jerome Powell, comme tout le monde s’y attend, abaisse bel et bien les taux à la mi-septembre : y verra-t-on une décision indépendante de sa part ou le soupçonnera-t-on de se soumettre aux diktats du président ? Á n’en pas douter, les critiques des deux camps ne manqueront pas de s’engouffrer dans la brèche.