Sommaire
- En lançant son plus vaste programme incitatif depuis la pandémie, le Japon investit dans l’avenir.
- Du pacifisme à l’assertivité.
- Vieillissement, autonomie technologique et innovation.
- Le danger des "carry trades" en yens.
- Sanae Takaichi : une politicienne convaincue à une époque complexe.
Sanae Takaichi écrit l’histoire du Japon
Première femme à accéder au Japon à la fois à la présidence d’un parti politique et au poste de premier ministre, Sanae Takaichi a grimpé les échelons dans un pays et un milieu traditionnellement dominés par les hommes. Sa stratégie rappelle celle de Margret Thatcher, la "Dame de fer" qui a marqué la politique du Royaume-Uni dans les années 1980. Comme elle, Takaichi est connue pour sa détermination, son conservatisme et son attitude conséquente. Côté idéologie, elle s’impose comme l’héritière assumée de Shinzo Abe, le premier ministre japonais assassiné en 2022.
Le plus vaste programme incitatif depuis la pandémie
Dans une tentative d’atténuer le tourment causé par l’augmentation du coût de la vie, la première ministre japonaise a annoncé le plus vaste programme incitatif depuis la pandémie: 135 milliards de dollars de dépenses additionnelles qui devraient relancer l’économie en déclin du pays et soutenir les consommateurs étouffés par l’inflation. L’économie japonaise a laissé entrevoir au 3e trimestre une légère contraction (-0,4%), tandis que l’inflation générale a atteint 3% en glissement annuel en octobre. Et comme chacun le sait, une croissance faible à négative et une inflation élevée ne font pas bon ménage…
Sanae Takaichi prévoit des investissements additionnels dans la construction navale et dans le secteur de l’intelligence artificielle, sans oublier des moyens supplémentaires pour la défense. Son plan de relance inclut aussi la distribution de coupons d’achat de riz aux familles – la flambée des prix du riz étant l’une des causes de l’inflation excessive –, des subventions durant les mois d’hiver pour réduire la facture d’énergie des ménages et des moyens supplémentaires pour les familles avec enfants, supprimant au passage la taxe projetée sur l’essence. La première ministre s’attend à ce que son plan de relance permette de réduire l’inflation de 0,7% et de faire croître l’économie à un rythme d’en moyenne 1,4% par an.
Du pacifisme à l’assertivité
Le Japon porte par ailleurs son budget en faveur de la défense à 2% du PIB, rompant ainsi avec l’attitude traditionnellement pacifiste du pays. L’objectif de cet effort est de renforcer la sécurité dans la région et de créer un flux stable de dépenses publiques dans un secteur généralement peu influencé par la conjoncture. Toute médaille a cependant son revers, en l’occurrence que le Japon se positionne ainsi plus explicitement dans la zone de tension entre la Chine et les États-Unis.
Sanae Takaichi veut rendre le Japon moins tributaire des chaînes d’approvisionnement chinoises et étrangères, en particulier pour les puces électroniques, l’énergie, la défense et les technologies avancées. Elle espère ainsi renforcer la base industrielle japonaise et offrir des chaînes d’approvisionnement plus stables aux entreprises internationales. Ce repositionnement pourrait toutefois morceler le contexte commercial mondial et engendrer une "scission technologique" susceptible d’affecter les entreprises européennes résolument axées sur les exportations.
L’automatisation pour répondre au vieillissement de la population
Une autre ambition de Takaichi est d’accélérer considérablement l’automatisation et la robotisation, s’agissant de deux évolutions qui stimulent l’innovation technologique et augmentent la productivité, ce qui est crucial pour préparer l’économie à l’avenir qui l’attend. Le Japon compte sur le progrès technologique pour lui permettre de mieux faire face au vieillissement de la population – l’exemple des robots-infirmiers s’impose ici directement à l’esprit –, mais l’avenir de la consommation intérieure est fragile lui aussi, précisément à cause de ce vieillissement. La baisse persistante de la population active pourrait en effet empêcher structurellement le Japon de réaliser pleinement son potentiel de croissance.
Les "carry trades" en yens sous pression
Á court terme, les dépenses publiques additionnelles projetées ont comme conséquence d’affaiblir le yen. Dans le même temps, les taux obligataires japonais augmentent à mesure que la dette publique se creuse – elle représente d’ores et déjà deux fois et demie le produit intérieur brut du pays – et que les risques budgétaires se multiplient. Cette évolution pourrait contraindre la Bank of Japan à resserrer plus rapidement sa politique (par exemple en relevant le taux directeur), tout en rendant le taux de change du yen plus sensible aux interventions et aux chocs.
Cela dit, un autre facteur crucial est également susceptible de faire pression sur l’économie et sur les marchés financiers du Japon: les "carry trades" en yens. Tokyo s’érige depuis des décennies en "banque de financement" du monde en permettant aux investisseurs d’emprunter des yens à des conditions extrêmement avantageuses et d’investir ces capitaux dans le monde entier à travers d’autres devises, des actions et d’autres actifs. Les "carry trades" en yens ont été pendant des années un important moteur de liquidité pour les marchés financiers, mais la vigoureuse remontée des taux d’intérêt japonais menace à présent de faire vaciller ce système. Le taux japonais à 20 ans a récemment manqué d’atteindre 2,9%, son niveau le plus élevé des trois dernières décennies. En détruisant le fondement même des "carry trades" en yens, cette évolution pourrait conduire à des ventes forcées, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer…
Sanae Takaichi: une politicienne convaincue à une époque complexe
Si la politique de Sanae Takaichi crée des opportunités, elle s’assortit aussi de risques. Et dans le même temps, les tensions géopolitiques et la volatilité économique augmentent. Le Japon pourrait devenir dans les prochaines années un moteur d’innovation et un chef de file dans les domaines de la technologie, de la défense et de l’énergie. Cela aura évidemment un impact sur le monde, mais dans un contexte international plus complexe et moins stable.
Margaret Thatcher a un jour déclaré: "Je ne suis pas une politicienne de consensus. Je suis une politicienne convaincue.". Nul doute que le monde (des investisseurs) voudra être aux premières loges pour découvrir le rôle qu’endossera Sanae Takaichi…
Chiffres clés du 1/12/2025
|
| Index |
Clôture |
+/- |
Depuis début 2025 |
| Belgique: Bel-20 |
5018,05 |
-0,37% |
17,67% |
| Europe: Stoxx Europe 600 |
575,27 |
-0,20% |
13,33% |
| USA: S&P 500 |
6812,63 |
-0,53% |
15,83% |
| Japon: Nikkei |
49303,28 |
-1,89% |
23,58% |
| Chine: Shangai Composite |
3914,01 |
0,65% |
16,78% |
| Hongkong: Hang Seng |
26033,26 |
0,67% |
29,78% |
| Euro/dollar |
1,16 |
0,21% |
12,31% |
| Brent pétrole |
63,22 |
-0,03% |
-15,41% |
| Or |
4237,27 |
0,88% |
61,40% |
| Taux belge à 10 ans |
3,26 |
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| Taux allemand à 10 ans |
2,75 |
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| Taux américain à 10 ans |
4,10 |
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