Sommaire
- L'été a été exceptionnellement calme sur les marchés financiers.
- L'économie mondiale continue de bien performer, mais avec des signes de ralentissement.
- Les incertitudes géopolitiques peuvent influencer les marchés.
- Les prochains mois pourraient être volatils, mais "Là où les gens voient des obstacles, je vois des opportunités à saisir"- et c'est exactement l'attitude dont les investisseurs ont besoin maintenant.
Un été paisible
Les mois d’été ont été particulièrement paisibles sur les marchés financiers. Les taux d’intérêt à long terme ont légèrement augmenté, le dollar a stagné et les marchés des actions ont continué à enchaîner tranquillement les records. La faible volatilité dont s’est assorti cet épisode contraste fortement avec les rebondissements de la saga des taxes douanières, les pressions exercées par Donald Trump sur la Fed, la crainte d’un ralentissement de l’économie, la stagflation et tant d’autres éléments. Bien sûr, il est toujours plus aisé d’analyser le passé que de prédire l’avenir, mais après coup, nous entrevoyons trois raisons qui pourraient expliquer ce climat.
Pour commencer, l’économie américaine et l’économie mondiale conservent leur résilience en dépit de tous les chocs et de l’incertitude ambiante, et l’inflation est plus ou moins sous contrôle. Quant aux bénéfices des entreprises, ils demeurent impressionnants et reposent essentiellement – surtout aux Etats-Unis, mais somme toute dans le reste du monde également – sur le succès des entreprises gravitant autour de l’intelligence artificielle. Dans le même temps, on observe cependant un ralentissement suffisamment marqué, en particulier au niveau du marché de l’emploi américain, pour que la Fed se remette à abaisser les taux. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Jerome Powell dans son discours annuel prononcé à Jackson Hole. A l’évidence, Donald Trump accentue ses pressions sur la Federal Reserve, comme il l’a encore prouvé récemment en limogeant Lisa Cook. Tous ces facteurs contribuent à créer un monde caractérisé par une baisse des taux d’intérêt à court terme, une reprise de l’inflation et une remontée des taux à long terme. Cette évolution des taux à long terme est certes un point à surveiller, mais les marchés des actions se réjouissent pour l’instant surtout de la baisse imminente des taux à court terme. Pour les investissements obligataires, cela signifie que nous continuons à opter pour la partie intermédiaire de la courbe des taux, c’est-à-dire les durées allant de 3 à maximum 5 ans. L’extrémité trop courte – et c’est surtout vrai pour les liquidités – ne revêt plus aucun intérêt dès lors que les taux à court terme ont tendance à diminuer et que les réinvestissements futurs s’assortiront donc d’un rendement inférieur. L’extrémité (trop) longue est quant à elle une option risquée puisque l’endettement élevé et l’accélération de l’inflation sont susceptibles de faire repartir les taux à long terme à la hausse. Troisièmement, les investisseurs ont appris ces dernières années que les replis offrent invariablement des opportunités d’achat. Nous sommes donc désormais en présence d’une génération d’investisseurs disposés à profiter des replis pour effectuer leurs achats.
De l’ordre dans le chaos géopolitique
En contrepartie, nous abordons l’automne avec tout de même de nombreux problèmes géopolitiques en suspens. Dans la guerre commerciale, le pire semble désormais derrière nous mais quand la tempête sera passée, nous nous retrouverons tout de même à l’échelle mondiale avec des droits de douane oscillant entre 10 et 20%, venant de 2,5% en début d’année. C’est d’ailleurs surtout l’incertitude à ce sujet – plus que le niveau lui-même des taxes douanières – qui pourrait jouer des tours à l’économie mondiale dans les prochains mois.
On observe en ce moment une distorsion de cette économie mondiale, ou du moins des rapports de force qui la sous-tendent. Il semble que les faits et gestes du président américain, en plus d’inciter les pays d’Europe à intensifier leur collaboration et leur intégration, soient également pour d’autres pays comme l’Inde, la Chine et la Russie un signe que le moment est venu d’unir leurs forces dans une tentative de créer un nouvel ordre mondial. Et si tous les blocs se mettent à bouger de manière anarchique en quête de nouvelles attaches, ils finiront inévitablement par se heurter les uns aux autres et semer la volatilité sur les marchés. Néanmoins, il se pourrait aussi que durant les derniers mois de l’année et à l’approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, l’accent soit davantage mis sur les mesures plus favorables aux marchés, comme les réductions d’impôts et la dérégulation. Les défis et les risques sont donc nombreux, mais nous entrevoyons aussi quelques potentiels développements positifs, par exemple une ‘solution’ au conflit en Ukraine.
Bientôt la fin de la crise en Ukraine ?
Il y a quelques semaines, nous avions l’impression de nous rapprocher sur le front ukrainien d’une paix négociée, ou du moins d’un cessez-le-feu. Indépendamment des conditions désavantageuses qui pourraient potentiellement – ou même probablement – être imposées à l’Ukraine dans ce contexte, il s’agirait tout de même surtout d’une bonne nouvelle puisque cette issue mettrait un terme aux pertes de vies humaines. Les marchés y trouveraient leur compte également, en particulier les marchés des actions européens. Entretemps, les négociations semblent à nouveau dans une impasse, mais nous partons du principe qu’une solution négociée finira par être trouvée. Le moment venu, cela permettra aux prix de l’énergie et surtout aux prix du gaz de diminuer en Europe, ce qui représenterait une bouffée d’oxygène pour les valeurs européennes cycliques et industrielles. En disant cela, nous pensons avant tout à l’infrastructure. Non seulement la transition énergétique nécessitera encore des investissements substantiels, mais il viendra aussi un moment – du moins espérons-le – où la reconstruction de l’Ukraine devra être entreprise. Un défi budgétaire de taille, certes, mais aussi une énorme opportunité d’investissement…
Dans un premier temps, une désescalade du conflit – et cela vaut somme toute pour toute atténuation potentielle, ne serait-ce que temporaire, des tensions géopolitiques – fera chuter les secteurs et les thèmes qui ont profité de son escalade, comme la défense et les terres rares. Cependant, il s’agit de tendances particulièrement vigoureuses. Malheureusement, la plupart des pays du monde maintiendront leurs budgets de défense à un niveau élevé voire les augmenteront encore, même une fois le conflit terminé. La confiance vient à pied et s’en va à cheval, c’est bien connu. Il en va de même des terres rares. Ces derniers mois, en particulier depuis que la Chine a fait à plusieurs reprises valoir stratégiquement sa position de force dans ses négociations avec les Etats-Unis, nous avons eu la preuve de l’importance, pour un pays, d’être indépendant sur le plan de l’approvisionnement en matières premières, non seulement pour la défense mais aussi pour le secteur technologique et la transition énergétique. Dans cette optique, nous pourrions bien être au début d’un nouvel âge d’or de l’exploitation minière, un scénario dans lequel le recyclage de matières premières retrouve également d’emblée de son attrait. Autrement dit, si les tendances à long terme de la sécurité ou de l’indépendance à l’égard des matières premières s’essoufflent, il s’en dégagera probablement une opportunité d’achat. L’investisseur peut déjà anticiper sur ce scénario en accumulant des positions dans les secteurs et les thèmes susceptibles de profiter de la fin du conflit, comme les actions européennes (cycliques) et l’infrastructure.
Un marché qui s’élargit et des opportunités qui se multiplient
Cela me rappelle un peu cette réplique de Harvey Specter dans la série "Suits : Avocats sur mesure" : "There where people see obstacles, challenges and risks, I only see endless opportunity". Je vous l’accorde, certains pans du marché peuvent difficilement être qualifiés de bon marché. Les défis et les risques géopolitiques sont légion. Historiquement, septembre et octobre sont en moyenne les mois les plus volatils de l’année. Et avec Donald Trump à la Maison Blanche, le marché risque de très rapidement chuter de plusieurs pour cent comme il l’a fait en avril, d’autant qu’il enchaîne ces derniers temps les records…
Cela dit, il est plus important que jamais de conserver une vue d’ensemble et de tenir compte du fait que le monde dans lequel nous vivrons et investirons dans les années à venir se caractérisera par une inflation structurellement plus élevée. Autrement dit, nous évoluerons dans un environnement où les liquidités se dévaluent à un rythme que nous n’avons plus connu depuis les années 1970. Dans un tel contexte, il convient de détenir des actifs réels comme de l’immobilier et des matières premières, sans oublier les actions.
Il s’agit peut-être là de la principale raison pour laquelle les marchés des actions semblent disposés à s’accommoder des risques, et à juste titre. Car si l’on considère le marché et les vagues qui déferlent sur le sable, les tendances qui se manifestent, la situation actuelle ressemble bien plus à une stabilisation présageant d’une remontée qu’à un marché qui plafonne. L’investisseur est un peu comme un enfant dans un magasin de bonbons. Jusqu’il y a peu, les seuls bonbons qui semblaient appétissants étaient les "Magnificent Seven", les géants technologiques américains. A présent, les groupes et les thèmes s’apprêtant à repartir à la hausse sont de plus en plus nombreux et l’assortiment de notre magasin de bonbons s’étoffe. Nous entrevoyons notamment des signaux prometteurs du côté des actions européennes, des "small caps", de la Chine, de l’immobilier, des marchés émergents, etc.
C’est dans cette optique que l’on évoque souvent la fin de l’exceptionnalisme américain : les capitaux ne prennent plus automatiquement la direction des emprunts d’Etat américains et des actions (technologiques) américaines. On pourrait aussi parler tout simplement d’un élargissement du marché, d’une base beaucoup plus saine sur laquelle poursuivre le marché haussier. La fin, ou du moins l’essoufflement, de cet exceptionnalisme se traduit en ce moment surtout par une dépréciation du dollar, plaçant tous les portefeuilles contenant des dollars devant toute une série de défis. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il faille entièrement tourner le dos aux valeurs américaines, surtout lorsqu’il s’agit de valeurs technologiques. Car qui dit technologie, pense souvent encore aux Etats-Unis, une nation qui en dépit des défis auxquels elle est confrontée sur le plan de la démographie, de l’innovation et de la situation géographique (protégée comme elle l’est par deux océans) dispose aussi d’énormes atouts.
Finalement, tout est une question d’équilibre : ce qu’il faut, c’est trouver le juste milieu entre les risques et les opportunités, investir dans les technologies sans ignorer les nombreuses opportunités qui se présentent en ce moment. Réaliser que les mois à venir pourraient être volatils mais être néanmoins disposé, avec une petite pensée pour Harvey Specter, à conserver une longueur d’avance sur l’érosion monétaire. Sur ces bonnes paroles, nous vous souhaitons une excellente rentrée des classes et une fructueuse dernière ligne droite jusqu’à Noël…
Chiffres clés du 3/9/2025
|
Index |
Clôture |
+/- |
Depuis début 2025 |
Belgique: Bel-20 |
4738,00 |
0,27% |
11,10% |
Europe: Stoxx Europe 600 |
546,78 |
0,66% |
7,71% |
USA: S&P 500 |
6448,26 |
0,51% |
9,63% |
Japon: Nikkei |
41938,89 |
-0,88% |
5,12% |
Chine: Shangai Composite |
3813,56 |
-1,16% |
13,78% |
Hongkong: Hang Seng |
25343,43 |
-0,60% |
26,34% |
Euro/dollar |
1,17 |
0,00% |
12,64% |
Brent pétrole |
67,66 |
-2,21% |
-9,47% |
Or |
3563,05 |
1,46% |
35,72% |
Taux belge à 10 ans |
3,32 |
|
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Taux allemand à 10 ans |
2,74 |
|
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Taux américain à 10 ans |
4,22 |
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